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vendredi 22 mai 2009

Un nouveau denier mérovingien de Sens attribué à l’église de Poitiers

Lors de la dernière vente sur offre n°38 chez CGB du 30 avril 2009, était proposé, sous le numéro 1680, un denier d’argent aux entrelacs classé à l’église de Poitiers (fig.1). Voici sa description:

Fig.1
Avers : Légende indéterminée.
Description avers : Tête stylisée et radiée à droite, un fleuron en forme de bras relevé devant le visage.
Revers : Anépigraphe.
Description revers : Entrelacs ornés d’un globule à 6 heures.
Diamètre : 12mm
Axe des coins : 12h.
Poids : 1,27g.
N° dans les ouvrages de référence : B.5734-5735 - P.2236-2237 - MEC.1/- - Laf/L.- - Bais.205

Ce n’est pas une surprise car la plupart des monnaies aux entrelacs, issues des trouvailles de Plassac, Saint-Pierre-des-Etieux, ou Bais, ont toutes été attribuées par Prou ou J. Lafaurie soit aux ateliers indéterminés, soit à la région de Poitiers. Il était donc logique que l’équipe de CGB classe ce denier à Poitiers, bien que ce classement leur paraisse subjectif (ce type de denier pour la trouvaille de Nice-Cimiez a même été attribué à Marseille).Mais dernièrement, Pierre Crinon dans son article : « Nouvelle datation du trésor de Bais, à propos des deniers épiscopaux de Sens » dans le Bulletin de la Société Française de Numismatique, n°6, juin 2008, attribue de nombreux deniers mérovingiens, notamment du trésor de Bais, à Sens. Dans cet article il propose également une nouvelle datation du monnayage de Sens et démontre que les monnaies dites aux entrelacs devraient être attribuées à l’église de cette ville. Elles sembleraient même dater de l’épiscopat d’Ebbon, évêque de Sens (vers 709/711-740). Je ne referai pas ici sa démonstration, je vous renvoie à l’article en question.

En comparant le denier de la VSO38 ci-dessus (fig.1) avec l’image de la monnaie n°205 du trésor de Bais (fig.2), on voit immédiatement les similitudes.
Fig.2

Le denier n°205 de Bais diffère cependant du n°1680 de la VSO 38 par la présence d’une croisette au droit devant le visage en place d'une palme et d’une croisette au revers au-dessus des entrelacs absente sur l’autre monnaie . Il semble néanmoins que le doute ne soit pas permis et que l’on doive également attribuer le denier n°1680 de la VSO «MONNAIES 38» à l’église de Sens, en tant que variété du denier 205 de la trouvaille de Bais.

vendredi 8 mai 2009

Une obole inédite d’Auxerre

Il a été récemment vendu sur un site d’enchère en ligne bien connu sur Internet une obole d’Auxerre dont certaines caractéristiques ont retenu mon attention. Voici sa description (fig.1) :
Fig.1

Avers : +AVTISIODERCI, Croix pattée dans un grenetis
Revers : anépigraphe, croix pattée dans un triple grenetis
Diamètre : 14-15 mm, poids : inconnu
Cette obole manque aux ouvrages de référence de Poey d’Avant[1], de Caron[2] et de Boudeau[3]. Cependant, elle n’est pas sans rappeler un exemplaire décrit dans le Poey d’Avant sous la référence PA5885 (Pl.CXXXVI,6), cette obole est actuellement détenue aux Musées de Sens. En voici la description (fig.2) :
Fig.2

Avers : +AVTISIODERC, croix pattée dans un grenetis
Revers : anépigraphe croisette en place de légende, croix pattée dans un triple grenetis
Diamètre : 15-16 mm, poids : 0,62 g

On le voit ces deux exemplaires sont très proches, néanmoins on remarque plusieurs différences :
- l’absence de croisette au revers de l’obole fig.1
- la légende incomplète de l’obole PA5885 (fig.2) : +AVTISIODERC en place de +AVTISIODERCI
- La forme de croix, plus fine sur la première obole. Ce qui m’incite à la croire plus ancienne.

A partir de ces éléments on peut en déduire que l’obole (fig.1) passée en vente sur Internet est entièrement inédite.
Il faut cependant attirer l’attention sur la similitude qui existe entre cette obole et un denier de Sens passé en vente dernièrement également sur Internet. En voici sa description (fig.3) :
Fig.3

Avers : +SENONES CIVI, croix pattée dans un grenetis
Revers : anépigraphe, croix pattée dans un triple grenetis
Diamètre : 20 mm, poids : 1,20 g

A part la légende qui désigne bien la ville de Sens au lieu de celle d’Auxerre, les autres éléments (croix, grenetis) sont parfaitement identiques.

Pour quelles raisons les villes de Sens et d’Auxerre auraient frappées des monnaies si semblables et à quelle époque ?

Cette similitude se rencontre déjà avec les deniers frappés sous Richard le Justicier (voir l’article de P. Crinon et R. Prot[4]). Vers 890 le duc de Bourgogne s’empare des villes de Sens et d’Auxerre. A partir de cette date, apparaissent les deniers anépigraphes bien connu PA5880 (pl. CXXXVI,1) et PA5907 (pl. CXXXVII,10). Ce type de deniers perdurera pour Auxerre jusqu’au XIIe siècle et pour Sens vers le milieu du Xe siècle.

Cependant, à la fin de l’année 936 les cités d’Auxerre et de Sens se retrouvent sous l’autorité d’Hugues le Grand, duc des Francs, suite à la guerre menée contre Hugues le Noir, duc de Bourgogne et fils de Richard le Justicier, qui en avait la possession auparavant[5]. Cette scission dura à peine une vingtaine d’année et on peut imaginer que le duc des Francs ait voulu marquer cet état de fait en faisant frapper des monnaies légèrement différentes de celles en circulation. On sait que Renard Ier accède au titre comtal de Sens en 948[6] et l’on connaît des monnaies à son nom (PA5906). Il est donc possible que nos monnaies ci-dessus aient été frappées sur ordre d’Hugues le Grand dans une période comprise entre 936 et 948.

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[1] F.Poey d’Avant, Monnaies féodales de France, Paris, 1862
[2] E.Caron, Monnaies féodales françaises, Paris, 1882
[3] E.Boudeau, Catalogue général illustré et à prix marqués de monnaies françaises provinciales, Paris
[4] P.Crinon et R.Prot, « Deniers inédits de Sens et de Tonnerre et essai de chronologie du monnayage anépigraphe à Sens, Tonnerre et Auxerre durant les deux premiers tiers du Xe siècle », dans Bulletin de la société française de numismatique, 48e année, n°2, février 1993, p.483-489
[5] Y.Sassier, « Les pays de l’Yonne autour de 987 », dans Bulletin de la société des sciences historiques et naturelles del’Yonne, année 1987, 119e volume, Auxerre, 1988, p.13
[6] E.Meunier, « Le sénonais au temps du changement dynastique », dans Bulletin de la société des sciences historiques et naturelles del’Yonne, année 1987, 119e volume, Auxerre, 1988, p.20-21